Marque de territoire : La Meuse, juste une stratégie percutante.

“C’est juste la Meuse”, “où l’on fait juste du vélo, juste de bons repas, juste des rencontres chaleureuses. Un département où juste, on est bien”… Des slogans qui peuvent surprendre par leur modestie et leur manque d’emphase pour une marque de territoire, surtout pour un département en déficit de notoriété : à dessein !

Guillaume Gigant, responsable du marketing territorial au sein de l’agence Meuse Attractivité est l’instigateur de cette marque de territoire qui sort des codes classiques du genre. Ce Messin d’origine revient d’une longue expatriation en Amérique du Sud où il a dirigé une agence de communication franco-argentine pendant 10 ans. Et quand il rentre en France, il a un coup de cœur pour le projet que l’agence Meuse Attractivité lui propose. Pour ce pro du marketing, le terrain est la base du succès de cette marque, au positionnement innovant, juste et percutant.

1. Fixer les objectifs de sa marque territoriale
2. Comment créer une marque de territoire innovante ?
3. Déployer efficacement une communication endogène et exogène
4. Rendre concrète l’action de sa marque territoriale
5. Les 5 piliers d’une marque de territoire attractive

1. Fixer les objectifs de sa marque territoriale

Comment avez-vous fixé les objectifs soutenus par la marque de territoire La Meuse ? 

« L’objectif de l’agence Meuse Attractivité est double : développer le tourisme et l’économie en attirant des porteurs de projets, des investisseurs et de nouveaux résidents.  Cette marque est importante pour combler le déficit de notoriété du département, qui en plus, n’a pas de grande ville : Bar-le-Duc et Verdun sont les deux villes les plus importantes du territoire, mais chacune compte moins de 20 000 habitants. Avec 184 000 âmes au compteur, la Meuse c’est une constellation de quelque 500 villages souvent dynamiques et connectés, mais où l’accès aux services peut aussi parfois être compliqué, et avec des déserts médicaux…

La marque n’est pas juste un logo et un slogan qu’on colle sur le territoire comme on pourrait le faire sur un produit : elle est une grammaire commune permettant à la Meuse d’exister, aux yeux des Meusiens et surtout pour les futurs habitants et les touristes. 

Nous avons travaillé un discours de marque tourné vers l’extérieur parce que notre objectif premier est de contrer une démographie à la baisse, mais tout en étant très honnête sur ce qu’est la vie en Meuse. »

Guillaume Gigant Responsable du pôle marketing territorial, Meuse Attractivité

Sur quels atouts du territoire avez-vous construit la marque ?

« Aujourd’hui, la population française aspire à changer de vie : s’éloigner des grandes villes, gagner en qualité de vie, redynamiser la ruralité, tenter l’expérience de vie à la campagne ou dans des villes moyennes. En cela, la Meuse est une super promesse : mais encore faut-il que les gens en aient conscience. Ce territoire, qui a longtemps été ignoré, est pourtant très bien placé : à 1h de Paris ou de Strasbourg en TGV, et dans le triangle Reims, Metz, Nancy. Le prix de l’immobilier y est accessible, l’environnement naturel est exceptionnel avec par exemple 38% du territoire composé de forêts, nous avons de très bons produits de terroir : ces arguments peuvent faire exister la Meuse autrement ! »

Longtemps, la locomotive du tourisme a été la guerre de 14-18, or ça n’attire pas les familles ! En revanche, la Meuse puise aussi ses racines dans la Renaissance et le Moyen Âge avec un patrimoine méconnu. Je suis convaincu que le tourisme est l’antichambre de la mobilité et c’est d’ailleurs ce sur quoi s’appuie Laou, en faisant gagner des week-end aux familles participantes : ils parient sur le fait que si ça leur plait, ils voudront s’y installer. 

2. Comment créer une marque de territoire innovante ?

Comment avez-vous travaillé pour vous différencier des autres marques de territoire ? 

« Pour m’éloigner des registres classique de la communication territoriale, très centrés sur des discours séducteurs mais un peu faux ou exagérés, j’ai travaillé avec l’agence Dagobert, qui n’est pas habituée au marketing territorial. Et comme pour toutes les actions que nous mettons en place, je me suis appuyé sur le terrain, en organisant des entretiens avec des habitants du territoire et des personnes extérieures, on a beaucoup entendu les idées de justesse, de modestie et d’humilité qui caractérisent les Meusiens et de la part de ceux qui ne connaissent pas, “la justesse de l’expérience”. Et elles sont devenues des valeurs centrales de la marque. »

« On construit notre différence sur quatre éléments essentiels à mes yeux : l’autodérision, l’honnêteté, la simplicité de notre quotidien et l’innovation. » 

Guillaume Gigant, responsable du marketing territorial de l’agence Meuse Attractivité

« Aujourd’hui, avec la Crise du Covid, on est moins à la recherche d’expérience à l’autre bout du monde d’où des slogans comme “La Meuse, c’est pas Zanzibar”. Les Français veulent des expériences de proximité et en Meuse, on leur promet qu’ils seront “juste bien” et qu’au-delà du séjour, ils construiront un projet de vie où ils seront heureux. Avec ce côté contre-publicité, on a choisi de ne pas faire rêver, de miser sur l’honnêteté avec une pointe d’humour et d’autodérision. »

« En Meuse, il existe une vraie satisfaction dans la simplicité du quotidien. Pour cela, ce n’est pas un territoire qui peut plaire à tout le monde : il correspond aux personnes qui ne sont pas dans le côté “m’as-tu-vu ?” des expériences touristiques ou de leur projet de vie. C’est ce qu’on a appelé  “la vida locale” : cette vie et ces fêtes de villages, des voisins qu’on connaît, à qui on peut demander de l’aide. Notre ligne directrice était claire : restons connecté à la réalité, à ce que nous sommes et soyons excellents là-dessus. Et contrairement aux à priori, nous sommes aussi un territoire innovant. »

N’avez-vous pas peur d’être trop clivant ? 

« Au contraire, c’était l’effet voulu ! Depuis le début, je dis à mon équipe que peu importe les critiques, ce qui compte c’est d’assumer notre différence et de faire parler de nous. Si c’est pour faire un truc plat, épargnons des dépenses inutiles. » 

« La Meuse n’est pas un territoire qui peut plaire à tout le monde. Nous voulons nous distinguer en assumant notre différence. »

« Et nous invitons tous nos partenaires à sortir de leurs peurs quand ils communiquent parce qu’elles font souvent aboutir à des campagnes de communication tièdes qui laissent une impression de déjà-vu. Nous voulons nous distinguer en assumant notre différence. La Meuse, c’est un territoire qui ne peut pas plaire à tout le monde et c’est très bien comme ça, car les Meusiens n’ont pas non plus envie d’attirer n’importe qui ! Ici, il n’y a pas de grande métropole, ni la mer, ni de montagne. En revanche, on a ce sens de l’autodérision, des équilibres et on a des choses à proposer qui doivent être assumées. C’est délibérément que nous avons choisi la stratégie de communication qui suscite le plus de conversations en exogène. »

3. Déployer efficacement une communication endogène et exogène

Comment communiquez-vous pour être impactant ? 

« Je ne m’adresse jamais au grand public. Comme je le disais, on vient en Meuse parce qu’on a quelque chose à y faire et c’est à partir de cela qu’on travaille : donner envie en partant des besoins. Par exemple, c’est un super territoire pour faire du vélo, donc je m’adresse directement aux cyclistes. 

L’équipe de Meuse Attractivité est un mélange entre des Meusiens et des personnes de l’extérieur, donc nous connaissons très bien le territoire tout en étant capables de poser un regard neuf sur lui. Quand nous avons conçu la marque, nous avons repéré une fête de la courge (Fête Courges et Merveilles à Aulnois-en-Perthois, NDLR) qui n’avait jamais été valorisée dans la communication touristique du territoire. Nous avons trouvé très pittoresque qu’à 1h de Paris, on puisse vivre une vraie fête de village : dans le contexte actuel, ce sont des expériences précieuses. »

Quels outils déployez-vous pour que les locaux se l’approprient ? 

« Une marque territoriale met des années à s’installer et nous l’avons lancée seulement cette année, nous avons donc besoin de temps pour que les Meusiens se l’approprient. »

« Notre envie est d’humaniser la marque en publiant des galeries de portraits d’entrepreneurs meusiens qui affirment leur fierté. »

« Et pour cela, il faut qu’elle leur rende service. Nous mettons donc à la disposition des acteurs locaux de nombreux outils digitaux : pour aider les petits porteurs de projets, nous proposons un site en marque blanche aux codes de la marque, avec un design customisable; nous « offrons » aussi aux commerçants qui le souhaitent leur campagne digitale grâce à des stickers personnalisables de la marque Meuse et en leur envoyant un photographe pour qu’ils incarnent la campagne. 

L’objectif avec tous ces outils ? Donner un coup de main à ceux qui n’ont pas ce savoir-faire tout en créant de la cohérence autour de la marque. Dans notre stratégie, le territoire est pensé comme une ressource pour l’action. Si on veut que la marque existe, il faut créer les outils qui permettront aux Meusiens de la prendre à leur compte et d’affirmer leur fierté. D’ailleurs, le logo c’est « La Meuse ! », et non pas « Meuse Attractivité », qui est le nom de notre agence : la marque est mise à la disposition du territoire. »

Source : Laou.fr/venez-vivre-en-meuse

4. Rendre concrète l’action de sa marque territoriale

Vous avez lancé une campagne avec Laou peu de temps après la création de la marque, pourquoi si vite ?

« Je me suis beaucoup interrogé sur le bon moment pour lancer cette opération : notre territoire est-il suffisamment mature ? Faut-il créer un réseau d’accueillants avant ?  Finalement, c’est ce qu’il fallait faire parce que nous avons appris en faisant ! 

L’expertise de Laou dans l’attractivité des talents nous a apporté un vivier de prospects et pour les convaincre de s’installer, nous avons dû apprendre à pitcher le territoire. Pour nous, cette opération a été un laboratoire de réflexions sur notre capacité à accompagner les talents et nous a mené à l’idée de créer au sein de l’agence Meuse Attractivité, une structure d’accueil agile et efficace : sûrement un guichet unique pour les personnes et les entreprises. Nous suivons chaque talent de manière personnalisée avec l’envie de travailler au long cours, et de relancer cette machine de recrutement avec Laou tous les ans pour cibler les métiers en tension. »

« Tous ceux qui veulent télétravailler sont les bienvenus mais ce qui nous a attiré chez laou, c’est leur force de ciblage sur les réseaux sociaux : ils apportent des candidatures cohérentes avec ce que le territoire peut proposer »

Qu’est-ce que vous a apporté Laou dans votre ambition de devenir plus attractif ?

« Aujourd’hui, près de 400 personnes ont postulé et nous disent : “votre discours de marque nous intéresse”. Ça nous engage à apporter une réponse et nous pousse à nous poser les bonnes questions, à mettre en place des process adaptés. 

Quand je dis “nous”, c’est en tant que territoire, parce que le succès sera au rendez-vous seulement si tous les partenaires sont actifs dans la démarche. 

Le partenariat avec Laou nourrit également notre rôle de conseil auprès des collectivités. Grâce à cette connaissance de l’attractivité des talents, notre agence est en prise directe avec leurs besoins et les manques du territoire. C’est pour cette raison que je vois le partenariat avec Laou comme du long terme : c’est une ressource inépuisable d’enseignements car le bilan de ce qu’on a été capable d’activer ou pas… nous permettra de corriger le tir pour l’année suivante. 

Les Meusiens ont l’habitude de penser que leur territoire n’est pas attractif. Laou et son engagement auprès des territoires ruraux est très utile pour leur dire qu’ils peuvent être attractifs et les soutenir à court, moyen et long terme. »