Développement économique : misez sur les enfants du pays !

Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas d’attractivité résidentielle dont nous allons parler aujourd’hui, mais d’attractivité économique !
Et vous le savez, pour nous, les 2 sont liés.

Désormais, les implantations d’entreprise dépendent aussi de la capacité du territoire à démontrer d’abord son attractivité auprès des talents. En témoigne l’engouement des boites de la tech pour Bordeaux, apparu bien après l’énorme flux de talents vers la capitale de la Nouvelle-Aquitaine.

Mais parfois, ce ne sont ni votre attractivité talents, ni le passé industriel de votre territoire, comme en Alsace ou dans les Hauts-de-France, qui seront les déterminants de votre attractivité économique, c’est tout simplement le retour au pays de jeunes entrepreneurs.

Mais est-ce pour autant si simple de les faire revenir ?

C’est ce que nous allons voir avec le témoignage de Fleur Phelipeau, fondatrice de D-LAB NUTRICOSMETICS, compléments alimentaires spécialisés dans la beauté, qui a ouvert au cœur de l’Allier, D-LAB INDUSTRY, son usine nouvelle génération aux grandes ambitions.

Qu’est-ce qui a convaincu cette enfant du pays de venir s’y ré-implanter ? Quel a été le rôle du territoire ?
Pourquoi miser sur les enfants du pays est-il un bon choix pour un territoire pour attirer des entreprises ?

Fleur va nous expliquer de quoi ont besoin ces jeunes entrepreneur.es pour revenir faire du business sur les terres de leur enfance. 

Investir dans son territoire d’origine : l’exemple de Fleur Phelipeau, dans l’Allier

Partons près de Vichy rencontrer Fleur Phelipeau, la fondatrice de la marque de compléments alimentaires D-Lab. Elle est revenue vivre sur ses terres d’origine pour y faire grandir son entreprise, et y faire pousser une usine d’envergure (5 millions de chiffres d’affaires annuels), 100% green qui lui permet d’internaliser toute sa production. Rencontre avec cette enfant du pays qui partage son succès avec son territoire d’origine. 

Pouvez-vous vous présenter ? 

Fleur Phelipeau : J’ai 38 ans et il y a 13 ans, j’ai créé D-LAB NUTRICOSMETICS pour intégrer les compléments alimentaires dans la routine de soin, au même titre qu’un cosmétique. Cela pouvait paraître précurseur à l’époque, mais je n’ai rien inventé ! J’ai passé mon enfance à Vichy dans le spa des Célestins que mes parents dirigeaient, et où l’eau est utilisée sous toutes ses formes depuis l’Antiquité.
J’ai simplement adapté et reproduit la logique de l’eau de Vichy Célestin considérée comme le 1er nutricosmétique. Leur slogan depuis les années 1970 est “la beauté qui vient de l’intérieur ».
Je n’ai fait qu’utiliser l’histoire du lieu où j’ai grandi, pour l’ancrer dans des pratiques tout aussi modernes qu’intemporelles. Pour cela, il suffit juste de regarder différemment ce qui a toujours été là. 

“Dans l’Allier où j’ai grandi, j’ai pu réaliser mon rêve d’avoir une usine.”
Fleur Phelipeau, fondatrice de D-LAB Industry dans l’Allier.

Comment est venue l’idée, l’opportunité de tout produire vous-même ? 

Fleur Phelipeau : Ouvrir une usine était en quelque sorte un rêve de gosse, que j’ai réalisé début 2022, lorsqu’elle a été mise en service. 

ATTIRER DES TALENTS DANS VOTRE TERRITOIRE, COMMENT FAIRE ?
Les équipes de Laou vous accompagnent pour séduire des talents (salariés qualifiés, soignants, artisans commerçants, télétravailleurs…), leur faire découvrir votre territoire, et réussir leur installation.


Avant, je travaillais avec différents laboratoires de compléments alimentaires dispatchés dans toute la France, ce qui créait beaucoup d’incohérences dans notre démarche. Comment parler de marque engagée alors que nos gélules étaient faites dans le Sud-Est avant d’être conditionnées en Bretagne puis d’être distribuées via un logisticien à Dunkerque ? ça n’avait aucun sens !  

Sans compter que le processus de fabrication manquait de transparence : par exemple, on ne pouvait jamais filmer dans les usines de nos fournisseurs. Dans notre usine, nous faisons régulièrement des vidéos amateurs et cela nous permet d’améliorer nos process. 

En produisant dans l’Allier, je gagne en réduisant mes délais de production, mais aussi sur mes marges, ma capacité d’innovation, et enfin en communication !

Fleur Phelipeau, fondatrice de D-LAB Industry dans l’Allier.

Il est fréquent que des industriels créent leur marque, dans l’autre sens, c’est plus rare, et moi je veux faire passer le message que ça marche !
En produisant dans l’Allier, je gagne en réduisant mes délais de production, mais aussi sur mes marges, ma capacité d’innovation, et enfin en communication !

Bref, je suis gagnante sur tous les plans et l’usine sera très bientôt rentable, d’ici un an ou deux. 

Pourquoi près de Vichy dans l’Allier ? 

Fleur Phelipeau : Le choix de Vichy était une évidence : après des études à HEC et un début de vie professionnelle à Paris, je suis revenue vivre à Vichy ! C’est cette ville qui m’a permis d’imaginer l’usine. Si je n’y avais pas vécu, je ne serais pas forcément rentré dans cette logique industrielle qui me plaisait depuis toujours et la dynamique territoriale a rendu le projet possible. En allant voir d’autres propriétaires d’usines du territoire grâce au réseau d’entrepreneurs de l’Allier (APM), chaque rendez-vous sur les différents sites a conforté mon projet. 

“Je ne comprends pas pourquoi il faut s’entasser aux abords des villes ! Surtout pour l’industrie qui implique un besoin de places de parking, un va-et-vient de camions de livraison qui peuvent créer des embouteillages !“

Fleur Phelipeau, fondatrice de D-LAB Industry dans l’Allier.

Votre usine est implantée en zone rurale, dans le village de Saint-Bonnet de Rochefort (petite commune de moins de 800 habitants). Pourquoi ce choix ?

Fleur Phelipeau : Il y avait plusieurs emplacements possibles et j’ai choisi l’implantation en zone rurale parce que c’est une démarche avec laquelle je suis alignée. Je ne comprends pas pourquoi il faut s’entasser aux abords des villes ! Surtout pour l’industrie qui implique un besoin de places de parking, un va-et-vient de camions de livraison qui peuvent créer des embouteillages ! 

Par ailleurs, c’est important de créer de l’emploi en zone rurale : D-Lab industry a créé 25 emplois locaux tous en CDI. Et parmi eux, certains viennent même travailler en vélo !

Site industriel de D-Lab Industry 

Que vous a apporté ce choix d’implantation en zone rurale ? 

Fleur Phelipeau : Nous sommes sur un terrain de 7800m2 au sein d’un parc naturopôle nutrition santé. Grâce à la Communauté de Communes, j’ai eu accès à un terrain très abordable dont l’accès à l’électricité, la fibre etc. a été pris en charge en amont de notre installation. Ils se sont également occupés de gérer les voiries de la zone selon nos plans de masse.
La municipalité du village a également très bien accueilli le projet :  j’ai eu ma société pendant douze ans à Paris, alors cela m’a surpris au départ !

Moi qui m’étais préparée à monter sur un ring pour lancer mon usine, j’ai réalisé en arrivant à la mairie de Saint-Bonnet-de-Rochefort que j’étais attendue et désirée

Ce choix de lieu va-t-il de paire avec une volonté d’impact sur le développement économique local ? 

Fleur Phelipeau : Bien sûr ! J’ai 38 ans, et je sais que la cohérence est vitale, tant dans ma vie que dans mon business. Si mes salariés ont moins de temps de trajet, ils seront plus heureux de venir travailler. De plus, leur connaissance du territoire nous fournit des liens précieux dans le tissu local ! Ici, tout le monde se connaît et l’entreprise fait partie d’un réseau dont il apprend beaucoup des manières de faire. 

  • Nous essayons d’internaliser au maximum et si nous devons faire appel à des prestataires extérieurs, la proximité avec l’usine fait partie de nos critères de recrutement.
  • Nous travaillons avec une coopérative locale pour ses plantes bio qui poussent entre 0 et 150 km, et avec deux cultivateurs pour de l’ultra local (-15 km de l’usine). Ils travaillent sur des parcelles qui nous sont dédiées et nous les payons à la tâche (et non pas au rendement).
  • Nous ne recrutons qu’en local et c’est gagnant-gagnant !
  • Nous distribuons des tickets restaurant pour que nos salariés consomment dans les commerces alentour afin de contribuer à leur maintien.
  • Le naturopôle comporte 8 sociétés et nous développons au maximum des synergies. C’est de l’économie régénérative, c’est-à-dire qui remet du bon sens dans le partage des tâches quotidienne en s’appuyant sur un réseau ultra-local. Par exemple pour la logistique, nous nous sommes regroupés pour envoyer nos colis dans un centre de tri à 10km qui du coup, ce qui nous permet de négocier de plus gros volumes et donc, de meilleurs tarifs. 

Comment les différentes instances locales vous ont-elles aidée ?

Fleur Phelipeau : Outre le terrain aménagé, la CC nous propose une aide régulière, notamment pour améliorer notre consommation d’énergie. Lors des déjeuners bimestriels entre les 8 acteurs du naturopôle, la CC est invitée. Véronique Pouzadou, et Christian Picherit, respectivement présidente et DGS de la Communauté de communes Saint-Pourçain Sioule Limagne m’accompagnent depuis le début. Et depuis un an, je collabore également avec Benoît Sablery, responsable service attractivité et développement économique.

Ce qui a été extraordinaire dans l’Allier, ce sont toutes ces personnes mises à disposition par le territoire pour nous aider à améliorer le maillage local. 

Quels conseils donneriez-vous aux élus qui veulent attirer de jeunes entrepreneurs ? 

Fleur Phelipeau : Lorsqu’on veut entreprendre ou développer son entreprise, il faut impérativement de l’aide en amont du projet. 

Jean-Yves Vernezy, Pierre Guyot et Philippe Bougerolles, chargés d’affaires Auvergne Rhône Alpes Entreprises / Invest in Allier sont allés chercher des banquiers et m’ont aidée à préparer le dossier pour l’emprunt. Je craignais un parcours du combattant mais ces anges gardiens m’ont déroulé toutes les opérations ! Si les régions veulent plus d’entrepreneurs avec eux, il faut des coachs du démarrage ! C’est un investissement indispensable. 

“Je craignais un parcours du combattant mais ces deux anges gardiens m’ont déroulé toutes les opérations !
Si les régions veulent plus d’entrepreneurs avec eux, il faut des coachs du démarrage !
C’est un investissement indispensable !”

Fleur Phelipeau, fondatrice de D-LAB Industry dans l’Allier.

Dans la création de projet, le rôle des collectivités est de recréer un bon terreau pour faire pousser des bonnes graines : les politiciens peuvent aider à une germination un peu dopée.

Comment ? Le maillage territorial a besoin d’être animé et les collectivités ont un rôle essentiel à jouer dans la mise en relation entre les acteurs (par exemple entre entrepreneurs et des centres commerciaux un peu isolés). Lorsqu’on travaille en ultra local, les relations diminuent en distance et augmentent en durée : nos partenaires savent qu’on ne va pas s’en aller demain ou dans 5 ans ! Le travail commencé aujourd’hui est basé sur la confiance d’un partenariat durable. 

Miser sur les graines ayant poussé sur vos terres pourrait donc bien fertiliser le développement économique local.

Eric Larchevêque, Vierzonnais d’origine, est l’un des nombreux autres exemples les plus connus d’enfant du pays revenu dans la ville de son enfance pour lancer son entreprise.
Ledger, désormais une des licornes françaises de la tech a son usine à Vierzon.  Aujourd’hui, il s’apprête également à lancer un incubateur de startups avec la Communauté de Communes Vierzon Sologne Berry et le Crédit Agricole : Lee B3 – Village by CA pour septembre 2023.

De quoi faire des émules…

Pour en savoir plus : 

D-Lab Industry

Le parc Naturopôle nutrition santé

Communauté de communes Saint-Pourçain Sioule Limagne

Auvergne Rhone Alpes Entreprises

 

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