Attractivité résidentielle : Comment trouver des logements pour les familles à installer ?

Y a-t-il des logements disponibles pour accueillir et installer de nouvelles familles dans nos territoires ?
Voici une question qu’il est logique de se poser dans l’état actuel de la tension sur les marchés du logement, en location ou en vente. 

Et si finalement cette question n’était pas la bonne…🤔 ? Car des logements disponibles, il y en a.
Mais beaucoup sont abandonnés, vacants, en attente de, à rénover…  
Alors la bonne question à se poser ne serait-elle pas : Faut-il d’abord attirer des familles, ou d’abord rénover des logements ? Faut-il compter sur l’initiative privée pour dynamiser un parc de logements en manque de rotation et de rénovation, ou attendre des collectivités locales qu’elles rénovent tout ? 

C’est l’histoire de la poule et de l’œuf…

Pour y répondre, j’ai invité aujourd’hui Peggy Mertiny, la « Madame Zéro logement vacant » du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. C’est elle la Cheffe de projet du dispositif Zéro Logement Vacant, une « startup d’Etat », qui propose une solution concrète pour lutter contre la vacance de logements, au sein du Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires.
Retrouvez ci-dessous le compte rendu de cet échange et les solutions concrètes proposées par Zéro logements vacants pour les collectivités locales

Peggy Mertiny, Cheffe de projet « Zéro logement vacant »

1. Un exemple concret avant de démarrer :

Commençons par un exemple concret vécu récemment dans les Vosges qui nous a poussé à creuser la question de la disponibilité du logement dans les territoires ruraux.

Il y a 3 semaines, dans notre messagerie interne chez Laou, j’ai vu passer ce message :
« Cas d’usage difficultés immobilières : 

  • Anaïs* vient de signer un CDI à Epinal (*les prénoms ont été changés)
  • Vincent passe des entretiens en ce moment
  • Ils ont même trouvé une nounou pour garder leur fils.
  • Ils avaient tellement envie de s’installer vite qu’ils ont déjà posé leurs valises dans un Airbnb en attendant un logement plus pérenne

donc tout va bien ! enfin… presque tout

  • Ils cherchent des biens en location en attendant d’acheter plus tard et veulent quitter leur airbnb.
  • Comme ils n’ont pas encore tous les 2 un CDI, les agences rechignent.
  • Pourtant, ils n’ont aucun problème financier, et déjà du capital immobilier.

Quand une famille est en mobilité géographique, la recherche de logement en location avant d’acheter est parfois une vraie difficulté. Le nombre de biens est limité, les agences immobilières ont tendance à trouver plus complexes ces dossiers, et il faut agir vite, sinon la famille peut perdre sa motivation.
En témoigne encore ce reportage sur TF1 diffusé début novembre 2023. 

Reportage sur TF1 le 6 novembre 2023 sur la vacance de logements dans les Ardennes.

Qui aujourd’hui fournit une solution à cette problématique ?
Après la disparition du Mobili’pass et consécutivement la fin de Ma Nouvelle Ville et d’autres sociétés de relocation emportées par la fin de cette aide, comment rajouter du logement là où il y en a peu ? 
Nous allons suivre, à travers le parcours de Peggy Mertiny, le cheminement de l’Etat pour apporter une réponse aux collectivités locales qui veulent refaire émerger une offre de logements dans leur territoire, tout en préparant l’arrivée de la Z.A.N.

2. Comment devient-on la « Madame Zéro logement vacant » du Ministère du logement ?  

Peggy MERTINY : Je travaille dans l’habitat depuis plus de 20 ans. Après des études à la faculté de Limoges, j’ai commencé à travailler dans un bureau d’études privé auprès des collectivités locales pour améliorer l’habitat. Puis, j’ai passé un concours administratif qui m’a amené à travailler à la DDE des Yvelines, en tant que cheffe du bureau politique territoriale du logement. 

Puis j’ai passé 16 ans au Cerema à Lille, au sein du Pôle recherche et innovation. L’objectif était déjà d’y travailler sur les données fiscales et foncières et les statistiques liées au logement, d’une part pour essayer de mieux comprendre les grandes tendances de l’évolution du marché du logement et d’autre part pour faire des données fiscales des données de connaissance statistiques. Tout ça pour le compte du Ministère du logement.

C’est donc assez naturellement que je suis devenue la Cheffe de projet du dispositif Zéro logement vacant porté par le Ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires chargé du Logement.

3. 2020, l’année du Plan national de lutte contre les logements vacants

Peggy MERTINY : Avant 2020, il n’y avait pas de politique nationale dédiée à la lutte contre la vacance des logements, c’était un sujet parmi d’autres au sein des
politiques de l’Habitat.
En 2020, le Ministère du logement lance le “Plan national de lutte contre les logements vacants”. Ce plan est co-construit avec l’association « Agir contre le logement vacant » qui souhaite porter la voix des collectivités locales dans la lutte contre la vacance locative, aux côtés de l’État et de l’Anah. Une association coordonnée par Karine Deligne, cheffe de projet à l’Eurométropole de Strasbourg.

Le plan comprend 5 axes principaux, dont le premier axe vise à “Outiller les collectivités dans le repérage, la caractérisation et le suivi des logements vacants”.
Dans cet axe est notamment prévue la création du dispositif « Zéro logement vacant » et la mise en place du nouveau jeu de données “LOVAC” par le Cerema.

Le 2ème axe du plan vise également à la mise en place d’une plate-forme d’échanges collaborative sur le sujet du logement vacant, qui rassemble aujourd’hui + de 1200 participants (Ministères et collectivités territoriales), partout en France.

En 2020, le Cerema diffuse alors la BDD statistique “Lovac”. Pour la première fois, des données publiques existent sur la vacance de logement en France. On peut enfin mieux comprendre où sont les logements vacants, de quel type de logements on parle (parc privé, parc public…). 

Depuis, la BDD Lovac a fait parlé d’elle… inspirée de nombreux cartographes et permis de mieux comprendre où était le logement vacant, ainsi que le lien entre la vacance et l’attractivité.

4. On découvre que plus un territoire est attractif et attire des nouveaux habitants, moins il a de logements vacants. 

On se rend compte dans la cartographie ci-dessous que “le taux de vacance structurelle dans le parc privé (depuis deux ans ou plus) est réparti inégalement sur le territoire. Les EPCI qui ont un taux au moins deux fois plus élevé que la moyenne nationale sont très majoritairement des communautés de communes (94%) et dans une moindre mesure des communautés d’agglomération (6%). Les forts taux de vacance de longue durée constatés notamment dans la « diagonale du vide », reflètent la perte d’attractivité de certains espaces.
A l’inverse, les taux les plus faibles concernent les EPCI des aires urbaines métropolitaines ainsi que les territoires littoraux dont les marchés immobiliers sont tendus. La moitié des métropoles ont moins de 2% de vacance de longue durée dans le parc privé.

 

Cartographie dynamique sur la vacance de longue durée dans le parc privé par EPCI, Data.gouv.fr, Ministère de la Transition écologique.

Conclusion : pour avoir un marché du logement dynamique et moins de vacances de logement, il faudrait attirer des habitants, être plus attractif.

En témoigne également la note de l’Insee Bretagne sur le sujet : « Des logements vacants plus fréquents dans les territoires moins dynamiques », qui met en valeur, comme le souligne la cartographie ci-dessous, les différences de taux de vacances entre le centre Bretagne et la côte.

Au sein de la région Bretagne, le taux de logements vacants est le plus fort dans les Côtes-d’Armor (8,8 %), puis dans le Finistère (7,5 %) et le Morbihan (7,3 %), et le plus faible en Ille-et-Vilaine (6,7 %).

« Des logements vacants plus fréquents dans les territoires moins dynamiques », Insee Bretagne

La vacance de logement est donc proportionnelle à l’attractivité du territoire. Plus un territoire attire des nouveaux résidents, moins ses logements sont vacants. 

C’est d’ailleurs ce qu’explique également ce Livre blanc rédigé par la DDT de l’Indre : « Agir contre la vacance des logements en milieu rural » : “ La revitalisation de nos villages implique une remise en occupation des logements délaissés. La lutte contre la vacance est au croisement de nombreux enjeux de l’aménagement des territoires ruraux. Si la vacance du logement en milieu rural peu dense partage de nombreux points communs avec celle des aires urbaines, elle présente certaines particularités : – une demande réduite en logements – des centralités en perte d’attractivité et progressivement abandonnées – une valeur foncière faible – une proportion importante de ménages âgés – un patrimoine architectural, naturel et agricole qui se dégrade.” 

Finalement, c’est comme le reste, quand on attire de la population, on attire aussi des emplois, des services publics, des soignants, de la dynamique économique, et donc… des personnes en capacité d’acheter et de rénover qui stimulent le marché du logement. On incite aussi les propriétaires à rénover, mettre en location et mettre en vente. Car ils savent que ça peut leur rapporter. 

Alors en attendant d’être attractif, on fait quoi ? 

5. 2022, lancement de Zéro logement vacant, une solution concrète et facile à mettre en place pour les collectivités locales. 

Peggy MERTINY : L’impact visé par le produit est la remise sur le marché des logements en situation de vacance structurelle.

Notre méthode pour y arriver est d’aider avec un outil gratuit les collectivités territoriales à contacter les propriétaires de ces logements, afin de les accompagner pour faire sortir leur logement de la vacance. 

Nous leur fournissons donc les données suivantes sur les propriétaires et leur bien vacant : 

  • le nom et prénom du propriétaire
  • l’adresse postale du propriétaire
  • le nombre et les noms des autres propriétaires du logement (nu-propriétaires, usufruitiers…)
  • le lieu du logement, son adresse et références cadastrales
  • la durée de la vacance (depuis 1 an ou 3 ans par ex)
  • la date de construction du logement
  • son taux de vacances si c’est un immeuble.

Nous leur offrons surtout la possibilité de cibler les logements en fonction de leurs caractéristiques et de réaliser des campagnes de publipostage plus adaptées, pour des sondages, de l’information, proposer une aide technique et/ou financière.
A cette fin, nous mettons à leur disposition une banque de courriers à télécharger pour les aider à s’adresser à chaque type de propriétaire.

D’où vient la donnée ? La donnée qui alimente Lovac et Zéro logements vacant est de source fiscale, issue des déclarations d’impôts. L’outil, grâce aux différents retours de campagnes, permet avant tout de suivre au plus près ce parc spécifique et son évolution, et ainsi mettre à jour en temps réel cette donnée. Pour le moment, s’il est possible de sortir un logement du statut de « vacant », il n’est pas encore possible de rajouter un logement « à la main », mais les équipes y travaillent et la solution évolue toujours en fonction des besoins des utilisateurs.

Des premiers résultats impressionnants !

  • Déjà 27% des EPCI en France ont créé un compte et commencé à utiliser l’outil.
  • Plus de 170 000 propriétaires ont été contactés
  • 10 700 logements ont été « sortis de la vacance » au sens large, vers de l’accompagnement de la collectivité, vers une vente, une rénovation, une remise en location, etc…
Etes-vous concerné par la solution Zéro logement vacant ?  

Le dispositif s’adresse surtout aux communes et aux EPCI, ainsi qu’aux services de l’état et de l’ANAH, car contacter les propriétaires de logement vacant est très encadré et permis qu’à certains ayants-droit. Mais des niveaux départementaux et régionaux ont également accès à la plateforme s’ils le souhaitent.

  • Par exemple, dans le cas d’un arrêté de péril, si un logement vacant est en train de s’écrouler sur la commune, c’est une compétence du maire.
  • Pour la réalisation d’études ou de documents d’urbanisme (PLH, PLUI), pour des projets d’aménagement ou de développement économique, ce peut-être l’EPCI. 

Pour vous inscrire et démarrer

1/ Signer et transmettre l’acte d’engagement permettant d’accéder aux données LOVAC sur la plateforme Démarches simplifiées en suivant la procédure indiquée sur le site du Cerema.
2/ Créer son compte avec le mail utilisé pour la demande sur le site de Zéro Logement Vacant

Vous avez besoin d’aide ou d’accompagnement pour commencer ?

Une fois votre compté créé, vous recevrez un mail automatique vous invitant à une session d’embarquement via un webinaire. Vous pouvez également réserver un créneau pour un point de suivi individuel avec Edouard ou Julie, les responsables du déploiement du dispositif :
Prendre RDV avec Julie
Prendre RDV avec Edouard


5. Et pour le futur : prévenir pour inciter et contraindre parfois

  • Prévenir la vacance des logements :

Sortir un logement de la vacance est un processus long, alors autant éviter qu’ils ne le deviennent.
27 collectivités testent en avant-première depuis septembre dernier une nouvelle version de ZLV.
En effet, afin de prévenir la vacance qui guettent les passoires énergétiques du fait de leur interdiction progressive à la relocation (voir ici pour les dates progressives), la solution propose désormais de cibler à l’instar du parc vacant, les logements locatifs en y intégrant leur étiquette énergétique.
L’ouverture à l’ensemble du territoire français est prévue pour février 2024, il faudra patienter un peu.

  • Taxer les logements vacants : 

Autre outil à votre disposition, l’imposition des logements vacants. Il existe deux sortes de taxes concernant les logements vacants : la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV) et la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV). La coexistence de ces deux taxes complémentaires permet de taxer les logements vacants au bénéfice de l’Etat dans les zones tendues (le récent décret 2023-822 du 25-8-2023 1 réactualisant et étendant la liste des communes en zones tendues), d’une part, et doter les autres communes d’un possible levier fiscal dédié, d’autre part, si elles s’en saisissent (THLV) au bénéfice de la commune ou de l’EPCI.
Une piste à étudier.

Photo de Burak Bahadır Büyükkılınç : https://www.pexels.com/fr-fr/photo/bois-lumineux-toit-building-19101386

6. 2023 : ZAN, logements vacants… la crise du logement s’intensifie-t-elle ? 

La crise du logement n’est pas une crise d’offre. Comme l’explique très bien Didier Locatelli dans “ Le ZAN au service des centralités rurales” sur la revue Telos, “la production de logements reste très largement supérieure à l’évolution du nombre de ménages. Depuis 2009 on a ainsi produit 1,43 logement supplémentaire pour 1 ménage supplémentaire. Dans le même temps, le nombre de logements vacants a augmenté de 60% en 20 ans. On compte désormais 3,1 millions de logements vacants dont 1,1 million depuis plus de deux ans et 750 000 depuis plus de quatre ans et 8 millions de logements sous-occupés. 

Pour comparer la vacance de logement dans votre territoire par rapport aux autres, rdv sur « Pas de vacances pour la vacance » = https://pasdevacances.org/pages/comparateur-de-territoires

Pour les territoires et les politiques publiques du logement, “il s’agit avant tout d’organiser un rééquilibrage entre la construction neuve et la réhabilitation du logement vacant, et d’aller vers une diversification des formes urbaines répondant à la diversité des besoins des ménages (dans un contexte où 37,4% des ménages sont composé d’une seule personne et 26% de couples sans enfants). Par ailleurs, d’autres situations existent et qui tendent le marché du logement, notamment dans de nombreux territoires, le locatif touristique en Airbnb. 

7. Les autres leviers d’action pour loger des nouveaux résidents et des salariés 

Les chefs d’entreprise investissent dans le logement pour loger leurs salariés :
Saviez-vous que des chefs d’entreprise en manque de bras ont pris, eux aussi, le taureau par les cornes ?
Comme cet entrepreneur dans la Creuse qui a acheté un lotissement pour pouvoir loger des salariés.
Ou l’entreprise Astulam qui a entrepris la rénovation, avec le soutien de la région Nouvelle Aquitaine, d’un immeuble pour en faire un logement partagé pour ses futurs salariés et apprentis :
« Au départ, on penchait plutôt pour les louer à des apprentis. Ça pourrait être un coup de pouce pendant les trois quatre premiers mois de pouvoir s’y loger. Pour des jeunes qui n’ont pas le permis par exemple, ça règlerait la double problématique du logement et de la mobilité, car les logements se trouvent à cinq minutes à pied de l’usine et du centre bourg. »

Le logement est comme vous le voyez un sujet qui concerne tout le monde : collectivités, familles en mobilité, chefs d’entreprise, propriétaires, acteurs de l’attractivité comme Laou. A quand un acte 2 du Plan national de lutte contre le logement vacant qui ouvre la porte à de nouvelles solutions au service de tout cet écosystème ? 

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