Après des années à Paris, Pauline Rochart est revenue s’installer dans son Nord natal, et en a tiré un livre aussi juste que passionnant : Ceux qui reviennent, quitter Paris pour retourner dans son territoire d’origine (ed. Payot). 

Entretien avec Pauline, pour entrer dans la tête de votre diaspora et enfin comprendre pourquoi ils ne reviennent pas. Et bien sûr, nous y rajouterons quelques conseils de Laou pour adapter votre stratégie.

« Le retour est souvent perçu comme un échec, un renoncement. Monter à Paris, c’est s’élever socialement. Donc redescendre… c’est forcément déchoir ? » interroge Pauline Rochart.

Cette vision, profondément ancrée dans notre imaginaire collectif et notre culture très centralisée a façonné une représentation de la réussite forcément associée à la capitale ou aux métropoles. Et pour ceux qui veulent revenir, les diplômes, les carrières prestigieuses et la vie culturelle foisonnante deviennent autant de choses à sacrifier s’ils déménagent.
D’autant plus pour les personnes originaires de territoires dont l’image est dévalorisée. Mais ce ne sont pas les seuls freins… 

Ces peurs qui retiennent avant de partir

Revenir : un manque d’audace ?

Pour Pauline Rochart, un des freins au retour peut être la crainte d’être perçu comme quelqu’un de prudent, qui ne prend pas de risque.
« Notre société valorise beaucoup la mobilité, la prise de risque et l’audace, les tempéraments d’explorateur, » explique-t-elle.
Dans ce contexte, revenir chez soi peut être perçu comme « contraire à cette idée et pas hyper sexy pour le dire crûment ». Cette perception est renforcée par les remarques entendues régulièrement : « C’est plus facile pour toi qui as vécu en province de retourner en province. » Comme si l’aventure du retour était moins valorisante que celle du départ.

« Notre société valorise beaucoup la mobilité, la prise de risque et l’audace,
les tempéraments d’explorateur ».
Pauline Rochart, Sociologue et Autrice de Ceux qui reviennent, Payot 2025.

Notre réponse chez Laou : Et si l’audace était justement dans le retour chez soi ?
On dit souvent que les néo-arrivants essaient de dynamiser leur territoire, de s’engager dans des associations. Parfois, les locaux peuvent même se sentir dérangés par cette présence nouvelle, pourtant, c’est souvent une chance de redynamiser nos territoires. Et si nous communiquions favorablement sur ces engagements locaux ? Cela aiderait peut-être les prochains à revenir à leur tour.

Quand le regard des autres fait monter la crainte du retour

L’entourage parisien et ses réactions peuvent amplifier ces doutes. Pauline Rochart a fait face à deux types de réactions : certains, qui la connaissaient bien, « n’ont pas été très surpris » de ce retour aux sources. Mais d’autres, notamment dans son milieu professionnel, « n’ont pas trop compris » sa décision de s’installer à Dunkerque.
Malgré les changements récents, “c’est une ville qui souffre encore de tout un tas de stéréotypes plutôt négatifs comme le chômage, l’alcool, l’industrie polluante”. En réaction, ces clichés sont venus réveiller ses doutes :
« Ça a un peu activé mes peurs, dont celle d’avoir moins d’opportunités professionnelles.”

La peur que “la greffe ne reprenne pas » s’installe alors. Ce qui a simplement freiné Pauline, peut devenir un vrai STOP pour d’autres…

Dunkerque, département du Nord.

Notre réponse chez Laou : Répondre aux peurs de la diaspora sur un temps plus long.
– Première étape : récupérer l’email de notre diaspora, ou la faire liker nos réseaux sociaux.
– Deuxième étape : lui donner ensuite des arguments pour répondre à ces remarques, et pour sécuriser son projet de retour dans son cercle social. La liste des arguments peut contenir la dynamique économique, sans oublier la dynamique culturelle, essentielle dans des cercles de CSP+ franciliens.

Redéfinir la notion de réussite : un long processus

Plus profondément, ce retour interroge la définition même de la réussite.
« Revenir chez soi implique nécessairement de se poser la question de la place du travail dans nos vies, et donc in fine des critères de la réussite sociale, » analyse Pauline.

Le retour permet souvent de « se sentir plus acteur dans sa vie et de voir le résultat concret de son travail », là où certains métiers parisiens peuvent créer « un sentiment de déréalisation ».
Pauline Rochart

La peur de « disparaître » socialement ou professionnellement est prégnante, particulièrement pour les indépendants qui doivent reconstruire un réseau. Pourtant, cette redéfinition peut être libératrice : « Tu t’émancipes un peu de ces injonctions à la réussite. C’est vraiment ta décision. » Le retour permet souvent de « se sentir plus acteur dans sa vie et de voir le résultat concret de son travail », là où certains métiers de cadres parisiens peuvent créer « un sentiment de déréalisation ». Le chemin n’est pas facile, mais il ouvre la voie à une appropriation plus personnelle de sa réussite. A encourager donc… 

Notre réponse chez Laou : La réussite sociale est malheureusement encore trop associée aux grandes métropoles. Notre réponse : accoler votre nom de ville / département avec le mot réussite. Affirmons haut et fort que nous pouvons réussir autant dans nos territoires qu’à Paris et mettons en valeur comme des réussites des chemins de vie menant à des jobs différents de ceux qu’on occupait en IDF.

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Les freins à l’arrivée : un retour pas toujours simple 

Le désenchantement des retrouvailles

Le retour au pays n’est pas toujours le conte de fées espéré. De nombreux “revenants” évoquent cette phase de désenchantement qui suit souvent l’installation…
Une fois la phase de lune de miel passée, le quotidien ressurgit… Et leurs repères ne sont plus toujours d’actualité car souvent ils sont partis jeunes étudiants et reviennent à l’âge adulte avec famille à charge. D’ailleurs, leur famille, souvent sollicitée pour garder des enfants en bas âge, n’est pas toujours aussi disponible qu’espéré.
La déception peut être grande de voir que sa famille ne s’adapte pas totalement à ce retour.

Des amitiés à reconstruire

Même constat avec les amis d’enfance : les premiers temps peuvent être déroutants, car l’accueil n’est pas toujours celui imaginé, et les nouveaux cercles d’amitié prennent du temps à se former (en moyenne trois ans).
S’ajoutent parfois des conditions matérielles imparfaites – comme un logement temporaire, souvent en location – rendant la stabilisation encore plus longue.

Affiche du film Partir un Jour

Partir un jour explore également le sujet du « retour chez soi » sur grand écran. Un film à voir pour mieux comprendre le fossé qui peut se creuser entre ceux qui sont restés, et ceux qui reviennent.

La lutte des places et les frictions idéologiques

Ce désenchantement s’explique aussi par ce que Pauline nomme la « lutte des places » : « Le déplacement géographique vient bouleverser à l’échelle intime, mais vient aussi bouleverser aussi le territoire dans lequel tu arrives. » 

Souvent diplômés, “les revenants arrivent avec un certain pouvoir social mais s’ils cherchent à reconfigurer le territoire à leur image dans une attitude surplombante, cela ne marchera pas. » C’est là que des tensions peuvent surgir notamment autour de sujets sociétaux comme « le féminisme, l’écologie, le rapport à la voiture », car ces positions « dépendent beaucoup du niveau de diplôme et de l’expérience du travail. » Le livre de Pauline Rochart évoque aussi ces liens précieux entre ceux qui reviennent et ceux qui sont restés pour penser ce qui nous lie au-delà de ce qui nous oppose.

 Les conseils d’Aurore Thibaud, Cofondatrice de Laou

  1. De nouveaux mots clés pour les toucher :

Il existe un angle mort des politiques d’attractivité résidentielle : elles sont adaptées à des personnes qui ne connaissent pas le territoire. Les mots employés sont souvent ‘découvrez’ et les images liées au tourisme et pas à la vie quotidienne. En réalité, votre communication devrait combiner « découvrez ou redécouvrez », et répondre à leurs freins, qui sont différents de ceux qui ne connaissent pas encore le territoire. Du côté de l’accompagnement, cette diaspora sait bien se renseigner sur internet et viendra naturellement à vous si vous lui adresser des contenus adaptés avec des mots-clés pertinents. Le message essentiel à communiquer est simple : « Dites-leur que vous pouvez les aider, même s’ils connaissent le territoire ! » Adaptez vos visuels et votre discours pour toucher ces « revenants » qui pensent connaître le territoire mais qui, comme l’explique Pauline Rochart, ont besoin de nouveaux repères en tant que professionnels ou parents.
Prêt-es à adapter votre stratégie ?

“Il existe un angle mort des politiques d’attractivité résidentielle : elles sont adaptées à des personnes qui ne connaissent pas le territoire. Les mots employés sont souvent ‘découvrez’, et les images celles du tourisme et non de la vie quotidienne »
Aurore Thibaud, Fondatrice de Laou

 

  2. Une nouvelle façon de procéder pour les chargés d’accueil :

Les enfants du pays ont besoin des chargés d’accueil, mais pour des raisons spécifiques : réintégration professionnelle, accompagnement du conjoint, création d’un réseau socioprofessionnel ou développement de leur entreprise s’ils sont indépendants.
En réalité, quand bien même ils viennent du territoire, ils s’en sont éloignés si longtemps qu’ils doivent eux aussi reconstruire tout leur réseau, mais parfois ils ne vont pas oser parler à un chargé d’accueil. Il faut presque être plus insistant pour créer cette relation, qui sera forcément rassurante in fine pour l’ancien habitant de retour chez lui.

 

 3. L’objectif ultime : Fédérer une communauté de « revenants ».

On pense spontanément que des ‘revenants’ vont s’intégrer plus facilement que des personnes non originaires du territoire, mais c’est faux. Ils peuvent vivre aussi un désenchantement pendant les premiers mois : leur famille n’est pas toujours disponible pour eux, leurs amis ne sont pas forcément revenus.Or, si vous souhaitez qu’ils deviennent ambassadeurs de leur propre territoire, il faut accélérer leur installation et la rendre positive le plus vite possible.Par ailleurs, ils peuvent être inquiets par l’évolution de leur carrière. Dans ce contexte, rencontrer rapidement des pairs est très important, dans des évènements informels organisés par le chargé d’accueil par exemple, ou via des évènements de réseaux professionnels mêlant nouveaux arrivants et professionnels, recruteurs, chefs d’entreprise, freelance… 
Le résultat d’un tel travail d’accompagnement est précieux : l’objectif final est que ce pôle d’ambassadeurs communiquent spontanément sur leur territoire, créant un sentiment d’appartenance renouvelé, et peut-être le retour de leur cercle social encore à Paris…

 

Pour aller plus loin : 

Retrouvez sur le même thème les stratégies innovantes d’Attitude manche pour faire revenir ses expatriés.

Vous pouvez aussi écouter Pauline Rochart dans une conversation passionnante avec Valérie Bauhain dans le podcast Ciao Paris. Son témoignage de « revenante » à Dunkerque, enrichi par son approche sociologique, offre des compléments intéressants à notre article.

Pauline Rochart y raconte aussi son parcours personnel, son arrivée à Paris, et les questionnements qui l’ont amenée à revenir dans le Nord. 

Laou est votre allié pour développer l’attractivité résidentielle de votre territoire.

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